La rurbanisation du pays Bamiléké à l’Ouest-Cameroun, liée à la saturation démographique (250 à 350
habitants au Km2
), à la croissance progressive d’une élite urbaine riche et omniprésente en campagne,
contribuent à transformer le paysage rural originel. Ainsi, la vente des terrains et leur sécurisation par le
titre foncier sont les conséquences et manifestations visibles de la «fin des terres» dans cette région où les
concessions familiales étaient initialement sécurisées par un bocage emblématique démarquant le paysage
régional de ceux du reste du pays. À ces facteurs s’ajoute une multiplication quantitative et qualitative des
maisons d’habitation dans le paysage rural. Ce phénomène est la conséquence à la fois de la perception
socio-traditionnelle, et de la représentation mentale de la réussite économique individuelle selon laquelle,
la vraie valeur du Bamiléké se mesure par la possession du «chez-soi» ou de son «tombeau» sur la terre
ancestrale. Face à la recrudescence des villas (de funérailles, de week-end et/ou de retraite) qui gagnent
davantage du terrain et donnent aux campagnes Bamiléké un visage urbain, l’on est en droit de
s’interroger sur l’amenuisement des terres destinées à la production agricole dans cette région, considérée
comme le «grenier» du Cameroun. L’analyse des photographies aériennes, des enquêtes et observations
de terrain révèle que le pays Bamiléké connaît depuis des décennies des crises foncières récurrentes se
traduisant par une « pénurie de terres » agricoles, justifiant d’incessants flux migratoires vers les fronts
pionniers périphériques (Moungo, Noun, Nkondjock, Mbam…). Malgré la mise en place de nombreuses
stratégies auréolées par la mise en valeur des zones jadis marginalisées, les superficies et la production
agricoles de ce grenier de la République sont en nette régression. Il est donc urgent afin de sauvegarder
les acquis, de procéder à une reforme agraire incluant une intensification de la production agricole.